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Rire cristallin


Son rire cristallin résonne bruyamment dans le ciel étoilé, si noir que l’on voit à peine Virginia et son accoutrement si bizarre pour une nuit chaude d’été. Elle glousse quand Jim entre dans son champ de vision bien bas et qu’elle voit un mauvais pied tout nu et enflé , peut être même écorché, mais elle ne saurait l’assurer vu le peu de lumière ambiante. Elle ricane en le voyant si blanc et malingre tout empêtré dans son corps maigre. Elle est emmitouflée dans une vieille couverture genre plucheuse et bien moche dans ses ridicules couleurs écossaises, mais au moins elle n’est pas gelée et tremblante comme cet imbécile de Jim dont elle se demande quand même comment elle peut encore le supporter.
Cet homme par défaut ou plutôt avec des défauts si criants que s’en était à hurler de dépit avait finit par s’incruster dans sa vie par lâcheté de sa part . Virginia aimait le hasard et ses conséquences quelles qu’elles soient. Virginia n’aimait pas décider, elle préférait se contenter de suivre et d’apprécier toute la folie du destin .
Mais aujourd’hui c’en était trop , Jim l’avait vraiment entraînée dans une aventure si étonnante mais par trop hasardeuse. Cette traversée avait mal tournée et c’était prévisible. Monter sur un tel bateau si instable , pas un bateau , une pirogue en fait mais tellement étroite que le moindre mouvement lui faisait friser le chavirage ; et pourquoi partir en pleine nuit? Le danger n’était pas si évident quand même.
 Silence, pas de bruit, il lui faut y monter sans rien dire , même pas lui demander s’il est sûr de ces hommes qui l’accompagne et bien qu’ils n’aient pas l’air si sauvages ne sont surement pas des enfants du bon dieu. Mais, confiance jusqu’à présent par chance ou courage ils s’en étaient sortis sans dommages. Comment penser que tout allait tourner au vinaigre si rapidement.
Elle s’installe tout à l’avant de l’embarcation bien calée sur un banc rugueux , les pieds clapotant déjà dans une eau nauséabonde . Jim parlementait doucement et se faisait tout petit accroupi vers l’arrière. Les habitants du village poussent le bateau loin de la berge et tout se fond dans l’obscurité. On n’entend qu’un léger clapotis des rames ou des pagaies , le souffle du vent quelque part dans les feuilles et parfois un oiseau ou un animal au loin.
Bientôt la vitesse s’accroît, elle devine le courant qui augmente et les entraîne de plus en plus vite . Les hommes derrière moi commençent à crier et à pagayer de plus en plus vite. Il leur faut sortir à tout prix de ce tourbillon mortel et rejoindre une zone plus calme. Soudain, un grand choc les stoppent net et Virginia hurle de peur , quand celui qui dirige le bateau est éjecté par le choc et culbute dans les flots rugissants. Ils raclent tout le côté du bateau sur le rocher qu’ils ont heurtés et filent secoués par les vagues sans direction, ballotés comme un esquif en perdition.
Elle plonge sa main droite dans l’eau noire qu’elle trouve chaude et aimable . La sensation de chaleur et de douceur se répand étrangement dans tout son corps et un grand calme s’installe en elle. Elle entend tous les tumultes alentours comme détachée; au centre d’elle même consciente de tout en éveil total mais comme distanciée. Pourtant, la mort lui paraissait impensable, inimaginable, inenvisageable voire impossible . Si elle disparaissait , comment le monde pouvait il être encore. Mais à cet instant, peut être comme la mort approchait , elle revoit  ou plutôt revit cette journée de son enfance inoubliable car fondatrice de sa vie future.

Elle était si petite alors.
Les cheveux blonds de Lola lui chatouillent la joue et elle me dit arrête de gigoter comme ça 
Mais Lola pouffe de rire et frotte sa petite tête adorée sur moi . Elle a chaud et je sens son odeur de produit douche bébé qui me fait me sentir heureuse et coquine. Je joue de mes lèvres dans ses cheveux en faisant des bruits rigolos comme des ronflements ou des sons de motos qui démarrent. Brr brr. Elle se trémousse dans tous les sens pour échapper à ma bouche.
Ce jour de mes dix ans je m’en souviendrais toujours car c’est le dernier jour de mon enfance.

Depuis , c’est comme si moi aussi j’étais pétrifiée à l’intérieur, comme si mon coeur s’était éteint , comme si la chaleur m’avait quittée, comme si la douceur et l’amour avaient disparu. Qui suis je aujourd’hui? Une rescapée, un zombie, une enfant morte de douleur.

Pourquoi ai je acceptée de faire ça , comment ai je pu accepter ça?

Jamais, je ne souhaite à quiconque de vivre cet instant éternel.

Comment vivre après ça ? comment croire en la vie et à un futur heureux?

Non , l’enfer est ici en moi et me brûle intérieurement. Prier un Dieu, quel Dieu pourrait me pardonner. Une soeur, si petite, si douce, si naïve, si innocente.
Et si je mourais noyée moi aussi,là maintenant. Ma main dans l'eau, mon bras , il me faut juste pencher légèrement et basculer . Pas de douleur, une mort rapide , comme toi ma soeur chérie, exsangue, blanche si morte. 
Qui me pleurera, toi peut-être que je vais rejoindre. M'as tu pardonnée, m’ accueilleras  tu. J'étais une enfant tu sais. La mort je ne savais pas. Je voulais jouer seulement à la mort, pas pour toujours , juste pour voir.

Me voici.


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